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dimanche 9 mai 2010

Avoines bleues

Trois avoines bleues
Ébouriffées
Trois avoines folles
Au vent se pavanent

Trois reines en goguette
Touffes en panache
Attendent un train
Qui ne passe pas

Trois mésanges affairées
Grapillent non loin
Quelques larves qui vaillent
Pour l'hiver qui vient

Cour de presque automne

Quelques grands érables
Des samares au vent
Mille jeunes pousses

Des cormiers en lisière
Des grappes fermentées
Quelques oiseaux ivres

Un amélanchier de nulle part
Quelques ronces odorantes
La verge d'or s'étiole

samedi 8 mai 2010

Premier été

Au commencement étaient le rouge, le jaune et l'orangé.
Il y eut aussi les noirs, les gris et les bruns.
Surgirent ensuite les blancs de terre et les bleus de ciel.
Vint enfin le vert le jour où vint la vie.

Il mollifia le blanc, réchauffa le bleu,
Attendrit le rouge et le noir,
Adoucit les gris, les bruns et les orangés.

Des arbres on ne vit bientôt plus que leurs troncs dressés desquels s'élançaient des branches fortes vers le ciel en quelque au-delà, loin, très loin des cimes opaques. Ainsi débuta sous une sombre lumière la fervente célébration païenne qui dura tout un été.

mardi 4 mai 2010

La part d'ombre

Sa part d'ombre avait à mes yeux autant d'éclat que sa part de lumière. Je l'aimais.

Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait "la part d'ombre".

lundi 3 mai 2010

Bibliothèque municipale

La voix basse
Je regarde l'heure
Deux livres à la main

Une souris blanche
Dort sur son tapis
On ferme à vingt heures

La planète en boule
Trône sur l'étagère
Du monde en feuillets

La poussière fine
Des livres décatis
Me prend à la gorge

Je devine soudain
Que dehors m'attend
Il fait nuit déjà

Neige de mai

Chuinte la neige
Sous les pneus d'été
Parcours alternatif

Haïku 4

Les neiges de mai
Ne sont que fleurs d'eau
Pétales enlacés

dimanche 2 mai 2010

Les abois

Une bruine glaciale
De fins bavardages
Couvre la mince coulée
S'échappant de sa plume

Les mots soudain sont froids
Leur glaçure se fendille

L'homme aux abois se tait
De peur que ne s'épuise
La veine d'argile
Dont il panse son âme

vendredi 30 avril 2010

Fenêtre d'hôpital

De la fenêtre du 5e de ce petit hôpital construit sur une butte rocheuse, je vois au bout de la rue, droit devant, des rames enlacées à flanc de colline et qui forment un voile fin sous lequel on devine que s'abritent de fragiles pousses sorties de leur torpeur par le soleil d'avril. Des bourgeons s'accrochent à ce tissu aérien et le renflement des plus tardifs clôt le ciel de bouquets de bruine qui vont du rose pâle au rouge sombre tandis que l'éclosion des plus hâtifs produit d'admirables lavis sur lesquels les verts les plus doux se côtoient. Quelques taches vives tranchent sur la finesse de ces primeurs exquises et annoncent la forêt pour l'heure discrète. Ce sont des épinettes et des thuyas.

jeudi 29 avril 2010

D'encre et de couleurs

J'écris au stylo-plume pour la douceur de la course de l'outil, le chuintement de la pointe sur la feuille, la fine coulée de l'encre luisante et ronde à sa sortie et qui perd tôt de son éclat ne conservant ensuite de rondeurs que celles des volutes du texte qu'elle laisse derrière.

J'aime aussi la pause obligée quand vient le temps d'accomplir avec lenteur et attention cette tâche délicate qui consiste à remplir le réservoir du stylo avec toutes les lettres non encore écrites et les mots non encore dits. Tout alors est encore possible.

Hier j'ai changé de couleur d'encre. Jusque là j'écrivais en noir. Depuis j'écris en bleu-noir. La couleur de l'encre module-t-elle l'écriture ? Influe-t-elle le choix des mots selon leur forme, leur sonorité, leur sens ? Y aurait-il dans la couleur de l'encre une subtile force évocatoire ? La prochaine fois, j'achèterai une bouteille d'encre bleue. Et de la verte ? Peut-être pas. Je me souviens, il y a longtemps, très longtemps, avoir utilisé de l'encre verte et n'en avoir éprouvé aucun plaisir sinon celui que procure le fait de prétendre à la distinction.

"Vous n'avez qu'une vie à vivre. Pourquoi ne pas la vivre en blonde ?"
Miss Clairol
"The book is in the pen." = "Le livre est dans le poulailler."
Mrs Clairol

Parole de dieu

Dieu dit: "Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je vais lui trouver quelque chose à se mettre sous l'Adam."

mardi 27 avril 2010

Le monde

Gand-Mére est une petite ville triste et décrépite. On n'y croise que très rarement de jeunes enfants musards dérivant de la ligne droite des trottoirs crevassés vers un passage secret d'eux seuls connu et qui leur permet de se faufiler comme le font les chats entre les maisons, les hangars et les bosquets, sautant ici une clôture, évitant là un molosse attaché de la taille d'un caniche nain, pour atteindre cette autre rue qui n'est pas sur le chemin de l'école mais où on a trouvé hier un "castor*" échappé de la poche d'un travailleur revenant du moulin.

Il fut un temps où cette ville était belle comme le sont les femmes mûres dont l'âme, pour un temps apaisée entre les affres de l'adolescence et les ignobles tourments de la vieillesse, se manifeste dans l'insolente aisance du port, la folle assurance des mouvements, l'élégance hardie du regard, l'audace souriante de la voix. En ce temps où Grand-Mère était une femme mûre, à la sagesse frondeuse, je découvrais le monde en m'émerveillant de la diversité des oriflammes suspendues aux cordes à linge les lundis de lessive, en m'interrogeant sur le propriétaire improbable d'une lourde voiture à cheval remisée depuis des temps pour moi immémoriaux dans un hangar derrière la maison et que l'on devinait en plongeant le regard dans l'échancrure d'une porte toujours entrebâillée, en écoutant attentivement sans y rien comprendre, parce que tenues dans une langue qui était aussi la mienne mais dont tant de mots, d’expressions, de tournures m’étaient étrangers, les conversations entre Ti-Noir et T-Bi, l'un originaire de Weymontachie, l'autre de l'Abitibi et qui tous deux parcouraient le monde au delà du moulin, sans jamais partir pour plus de quelques heures, au volant de voitures taxis qu'ils conduisaient pour Venant, le propriétaire de la petite flotte.

Il y avait dans ma cour un monde: des hangars de bois de dimensions et de formes diverses dont plusieurs étaient inutilisés; derrière le magasin de fruits, un logement habité par un couple de gens très âgés qui survivaient grâce à la débrouillardise et à l'ingéniosité de la vieille, à son jardinet et à ses quelques poules; une maisonnette dont le numéro civique était suivi de la lettre "A" et qui fut habitée un court moment par une vieille femme, folle peut-être: un cabanon dans lequel les chauffeurs de taxi roupillaient entre les courses malgré les sonneries du téléphone; les entrées de service d'un restaurant "cuisine canadienne et repas légers" et d'une pharmacie de quartier dans laquelle officiait, taciturne, l'oncle de Ti-Pierre, mon voisin de palier et camarade de jeux, dont le père fumait des cigarettes qu'on disait américaines; un longiforme réservoir de mazout à moitié enterré et qui donnait sur un mur aveugle de l'immeuble voisin, lequel logeait un grand magasin de vêtements pour hommes et femmes dont on disait qu’il était le mieux pourvu de la ville; un sentier peu fréquenté qui allait depuis l'arrière du cabanon des taxis jusqu'à la cour de la vieille maison sombre du cordonnier Petit, un homme malingre affligé d'une forte claudication et qui, pour cette raison, inspirait de grandes frayeurs à tous les petits.

C'était un univers de revenances, de survenances et de partances tel que ne me vint pas, en ces temps d'une rondeur pleine, l'idée d'escalader ce mur presque oublié qui fermait le passage entre deux hangars et du haut duquel j'aurais peut-être pu apercevoir l'Amérique toute entière si toutefois j'avais pu soupçonner qu'il se pouvait exister ici ou ailleurs un Autre Monde qui ne fût pas ma cour.
_________________________
* "castor": pièce de cinq cents

dimanche 25 avril 2010

Printemps 3

L'érablière lentement s'éveille.
Depuis qu'il ne reste de neige que quelques amas épars, les bruits ne sont plus les mêmes. Ils sont plus francs, plus secs. Même le craquement des arbres est plus clair.
La lumière est ample et se répand sur le sol couvert de feuilles comme une ardente caresse. Elle donne aux bruns et aux ocres l'éclat qui manque, sous la frondaison de l'été, à leurs nuances fines.
J'entends le bruissement de la course allègre de l'écureuil, le froissis du battement d'ailes des mésanges, le sifflotis de l'air en cavale entre les branches et, tout à coup, le martèlement saccadé du pic qui pioche, "picosse" et picore.
Rien encore ne laisse présager les profusions à venir dont les débordements, quels que soient nos rêves, ne viendront pas à bout de nos indigences.

jeudi 22 avril 2010

Ma fenêtre


J'ai vu l'écureuil noir
Son frère le bouleau blanc
Ici le rouge du bourgeon qui pointe
Là l'ébauche de la feuille esquissée

Sous l'ostryer, le hêtre, l'érable et le frêne
Se dressent courbées l'érythrone discrète et le trille fantasque
Sous les pierres grises et dans les flaques frileuses
Se languissent de vivre des fièvres ardentes

Dans le pré voisin
Le lombric danse, le merle chante
Un vent tiède et chaud ranime les chaumes
L'air est miel lors que j'ouvre ma fenêtre

Pluie d'avril

Fades, gris et froids,
Tombent, chantent, ruissellent, et s'en vont
Les verts odorants.

lundi 19 avril 2010

Quand je vis le menu

Quand je vis le menu de maman dans le chaton de ma nouvelle bague, je me suis prise à regretter qu'il ne fut pas plutôt serti dans la girandole que je tiens de tante Aurélie et à laquelle il manquait, quand on me la confia, un brillant de la taille du menu. Quelques fois je me dis que maman aurait pu mourir plus tôt, m'évitant ainsi cette déception. D'autres fois je ne m'en prends qu'à moi de m'être trop pressée de porter le pendentif de tante chez le joaillier. Il eut été plus simple de consentir à ce que les choses advinssent en leur temps plutôt que de céder, comme je le fais souvent, à mon empressement.

Menu: petit diamant taillé en brillant ou en rose.

Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait d'écrire, en prose ou en vers, un texte commençant par l'incipit : "Quand je vis le menu".

dimanche 18 avril 2010

Partance

Voyager comme l'oie blanche
Ourdir des délires espiègles
Lustrer de noires espérances
Craindre le courroux des fleurs
Au risque de se repaître d'illusions.
Nouvelle partance à demeure
Sans âmes mortes, ni coeurs légers

Délivrance

"Une grande partie du trafic aérien dans le nord de l'Europe restait paralysée samedi en raison du nuage de cendres rejeté par un volcan islandais.
(AP, 17 avril 2010)

Des monts acérés ont jailli des sortilèges
Les crêtes et les flancs ont fulminé
Comme de rage contenue

Les glaces ont repris le chemin des eaux
Se sont cailloutées les nues laiteuses
Comme volée d'oies cendrées

Le ciel s'est tu, toute migration cessante

La mise aux arrêts des foules agitées
Confine l'homme à son cloître
Le contraint à sa délivrance

samedi 17 avril 2010

Printemps 2

Sous la liqueur grise du ciel
S'étale la cendre des feux anciens.

Derrière les rameaux
Se taisent les branches.

L'herbe verte pointe qui masque le chaume.

Mes joies tout à coup frissonnent
Et se ternissent les lustres des plaisirs éteints.

L'été encore s'apprête à farder la constance de l'hiver.

Murs

Je tends la main vers la lumière
Qui suinte des murs de l'ennui.
Le jour et la nuit, tout autant que les dieux,
Ne chantent ni ne dansent,
Ne sachant rire ni mourir.

vendredi 16 avril 2010

Printemps 1

Se gorger d'humus
S'engrosser de lumière
Rupture de froidure

Tanka 3

Une table froide
Un porte document roux
Des gants bouchonnés.
-Ne vivent que les bourgeons
Accrochés aux branches frêles.

Tanka 2

Murs gris tout autour
Bourgeons roses aux fenêtres
Frimas d'encre noire.
- Au loin coule la rivière
Chante, cantilène, chante.

lundi 12 avril 2010

Tanka 1

La voix grêle et frêle
Le grattouillis de la plume
Sur les mots qui sèchent.
- Ne vivent que les bourgeons
Loin des fenêtres closes.

vendredi 9 avril 2010

Célébration de l'An 1 du Grand Malak

Malak City, 8 avril 2010 - Les Malaques célèbrent aujourd'hui dans l'euphorie l'arrivée de l'An 1 du Grand Malak. On se souvient qu'à cette même date l'an dernier la population des Îles Malaks, cet archipel paradisiaque de l'Océan Turpide, perdait son Président, le Grand Malak. Les sujets du Bien-Aimé avaient été vite rassérénés par l'héritage vivant que leur laissait le Président. Voici d'ailleurs le dernier texte écrit de la main du Grand Malak avant son décès. Il s'agit du dithyrambe successoral traditionnel rendu public aujourd'hui en même temps qu'une distribution de sardines Brunswick au citron et à la moutarde (1).


Vous êtes plus que ce que nous sommes et ne fûmes jamais.


Vous êtes né avant que le siècle dernier ne sache qu'il s'achevait. Vous êtes le devenir du monde. Nous l'avons été.


Vos ailes sont larges et fortes. Vous volez et volerez plus haut, plus loin que jamais nous ne le fîmes ni ne le ferons.


Votre détermination est grande. Votre force inépuisable. Vous survolerez, et le savez, des mers et des mondes de nous insoupçonnés.


C'est à raison que vous trépignez d'impatience par nous contraints de languir après le futur qui tarde.


Contenez vos pleurs, votre rage. Célébrez votre âge, nous partons. Vous êtes les temps modernes et s'achève l'âge sombre.


Il nous tarde de partir et de vous laisser au monde en héritage.


Sous peu nous ne serons plus. Tous saurons que vous êtes.

Notre sortie sera votre entrée. Notre éclipse illuminera la terre de vos feux.


De l'Espagne, du Portugal et de la Grèce même, vous ferez des fiefs. Le Maure en son califat vous célébrera. Et la seule évocation de votre magnificence suffira à ternir l'éclat de tous les trésors de l'empire Moghol,


Par dessus tout, le peuple aimant vous acclamera à jamais, le soir, au fond des bois, ô Grand Cor Malak, assouvissement de toutes les espérances.


(1) Les sardines BRUNSWICK sont des harengs juvéniles du Nord de l’Atlantique qui mesurent de 13 à 18 cm (5 à 7 po) de longueur.



Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Le thème de la semaine: le dithyrambe.

dimanche 4 avril 2010

Très-Saint-Père

L'hostie québécoise est un des plaisirs coupables de notre Très-Saint-Père. "Toastée des deux bords", elle lui rappelle les plorines dans le sirop d'érable de Soeur Berthe qu'il a connue du temps où les guerriers Mongols enculaient des blattes germaniques avant la sieste. Bien que mon père était croyant, il n'en croyait rien. Pour son humble part, il préférait les sandwichs avec pas de croûte tout comme le frère René sur le dos duquel le grand Champagne avait cassé la grosse règle de chêne accrochée au fond de la classe. Il ne pleuvait pas ce jour là, me faut le dire.

mercredi 24 mars 2010

Le bon docteur S.

Le jour pointe. Dieu est mort il y a quelques heures, docteur Schweitzer. N'êtes-vous pas sagittaire, il me semble ?

lundi 22 mars 2010

Lumière hivernale

Sous l'éclatante lumière hivernale, des lampadaires éteints projettent leur ombre sur la neige. Le vieil homme enjambe machinalement ces fêlures grises comme il évitait enfant de marcher sur les interstices entre les dalles de l'unique trottoir de macadam de son village. Au Nord où il vit maintenant l'hiver est tout autre qu'en son pays d'enfance. Les jours y sont courts, les nuits longues. La lumière y est crue, l'obscurité vive. Y règne la droiture du froid.


Chaque croisement d'ombre le ramène un peu plus loin. D'où il vient. D'où il est. Dans le Sud où il a vécu des jours sombres et des nuits blanches sous la morne lumière hivernale des lampadaires qui difficilement perçait les fumées âcres des dépôts d'ordure le long desquels il errait le jour et dont les images le terrorisaient la nuit. Le terrorisent encore.


Un chien jappe tout près. Demain il se fera conduire de Corner Brook à Gros Morne où il pourra poursuivre son errance parmi de spectaculaires structures géologiques qui y témoignent de la tectonique des plaques.




Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait d'inclure dans son texte "sous la morne lumière hivernale des lampadaires".

lundi 15 mars 2010

La dernière voltige

Ce ciel étale dont la courbure parfaite s'alanguit

Cette claire caresse des nues qui se travestit en volutes sombres


Graves tourbillons des ombres qui montent

Lourde occlusion du ciel qui s'affaisse


S'avancent les trombes

Éclatent les foudres


Qu'enfin dans une bruine inaccessible

Se dissolve le feu en un arc éphémère


Nous mourrons de nos naissances

Comme s'allument les eaux


A las cinco de la tarde de nos jeux icariens




Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait "le feu en 200 mots (environ)".

lundi 8 mars 2010

Il a plu

Ce texte a d'abord été écrit pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait :
  • un choix entre "plaire" et "pleuvoir". Le texte devait nécessairement commencer par ces trois mots: "Il (ou elle) a plu..."
  • On peut lire les résultats de cet exercice sur http://www.impromptuslitteraires.fr

Il a plu des éclats de soleil. Par milliers. Puis l'obscurité imposa sa présence. Un voile blanc. Léger d'abord. Puis de plus en plus opaque. Gris ensuite. Noir enfin.

Et dans le noir, un bruit sourd. Un roulement venu de loin. Un long craquement à mi-course. Un coup sec à terme. D'une force inouïe. Le silence à la fin. Blanc.

Nous avions à peine eu le temps de gagner les abris que déjà le souffle rasait tout sur son passage.

Jamais plus je n'entendis Ella chanter "Isn't this a lovely day to be caught in the rain".

mardi 2 mars 2010

Les mères de notaire II

En novembre 2005, au Café Byblos, j'ai crié "Vos gueules, les mères de notaire". Ce cri sur les mères "cloneuses", ces inaccessibles parangons d'orgueil, est consigné ici, un peu plus bas. La même émotion, le même trouble me revient encore ces jours-ci. Peut-être parce qu'à ton tour te voilà père, mon fils.

Ce cri alors m'est venu témoin que j'étais de la relation d'une jeune mère avec son fils. Appelons-la Êve, appelons-le Justin. Il avait presque trois ans. J'étais choqué par la relation de Êve avec son fils. J'étais constamment outré de voir comment elle prétendait lire en lui, lire ses émotions, ses sentiments, ses pensées. En réalité, ce qu'elle faisait c'était non pas lire mais écrire en lui ce qu'il était sensé éprouver, sentir, penser. Elle se donnait à ses propres yeux et à ceux des autres l'image d'une mère à l'écoute de son enfant, d'une mère qui aide son enfant à se découvrir. Mais c'est elle qu'elle écoutait tout en inventant un enfant qu'elle imaginait. Tout en lui martelant la cervelle et le coeur et l'âme pour qu'il devienne ce qu'elle croyait qu'il était. Elle prétendait connaître tous les ressorts de ses actes à lui l'enfant. Dans les faits elle dictait, imposait à Justin l'interprétation de ses actes. Elle l'expropriait de lui-même. L'enfant bien sûr résistait. Fermement. Durement. Violemment. L'enfant refusait avec raison de s'en laisser tant imposer.

C'est évidemment à ma mère, à ma relation à ma mère que me renvoyait la virulence de Êve à donner le sens, la résistance de Justin à cette imposition. Maman avait d'autres façons d'imposer le sens. Mais elles étaient tout aussi violentes d'autant plus qu'elles étaient sourdes. J'imagine que Louise, ma soeur aînée, devait ressembler à Justin dans ses refus d'être définie par la volonté d'autrui. Elle n'était pas que rétive. Elle ruait. Pour ma part j'ai adopté une résistance passive, silencieuse. Laissant dire et laissant faire. Me renfermant dans une coquille protectrice. Je parlais peu. J'ai peut-être appris de mon père cette forme de résistance.

J'ai tant vu de ces mères despotes et geôlières d'âmes que j'en suis à me demander comment certaines peuvent parvenir à échapper à ce rôle, peuvent parvenir à considérer que leur enfant n'est pas qu'un prolongement d'elles-mêmes. Comment certaines parviennent-elles à vraiment accoucher, à vraiment rompre le cordon, à vraiment donner la vie à un enfant et à la lui laisser.

J'ai tant vu de ces mères que je me demande pourquoi on parle si peu du meurtre de la mère et tant du meurtre du père. Mais mon propos n'est pas là. Ma question est ailleurs. Que peut faire le père d'un enfant qui a une telle mère? Qu'aurait pu faire mon père au lieu que de se taire, qu'aurait pu faire mon copain Claude au lieu que de se taire, que fais Marc, le conjoint de Êve, pour donner à Justin une chance d'être? Que pourrais-tu faire, mon fils, si la mère de ton fils était telle? Ta mère n'était pas ainsi, que je me souvienne. Ou si elle l'était, ce n'était pas avec autant d'intensité. Je n'ai pas eu comme père à contrer cet emmurement. Comme fils, oui.

lundi 1 mars 2010

La belle de Cap-Chat

Ce texte a d'abord été écrit pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait :

Il y a loin de Montréal à Matane. Plus de 600 km de fleuve. Il y a loin de programmeur chez Ubisoft, dans le Mile-End montréalais, à pigiste chez Gagnon Enseignes, dans le parc industriel de Matane.

J'ai découvert la belle Doris au café Romolo, loin, très loin de sa Gaspésie. J'ai d'abord entendu son accent, sa musique de bord de mer. Et puis j'ai vu ses yeux comme un horizon lointain. Elle m'a dit qu'elle n'était que de passage à Montréal et qu'un monde séparait le Romolo de la cantine Chez Jacynthe où elle aimait traîner là-bas dans son pays d'estuaire.

C'était en mars. Nous sommes en juin. Je viens d'arriver à Matane. Je commence lundi chez Gagnon Enseignes. J'ai toujours avec moi le carton d'allumettes du Café Jacynthe, à une heure de route d'ici, où j'irai moi aussi flâner dans l'espoir d'y retrouver Doris, la belle de Cap-Chat.

dimanche 28 février 2010

Et vous...

N'aspirez-vous pas, vous aussi, au bonheur des pierres ?

samedi 27 février 2010

Une ville triste

J'ai arpenté ce matin, comme je le fais souvent, histoire de garder la forme, la rue principale de Grand-Mère qui fut le théâtre de toutes mes premières ou presque. J'en ai quelques fois occupé la scène. Le plus souvent je fus spectateur. Il m'est aussi arrivé de vivre dans les coulisses.

Malgré la neige abondante des derniers jours, les trottoirs sont bien dégagés. Le temps est doux. Au début je marche d'un pas vif, face au nordais, évitant les flaques d'eau que la fonte rapide des bancs de neige multiplie aux intersections. Je marche tête haute.

Sentant une lourdeur m'envahir j'ai ralenti le pas à la hauteur de l'église devant laquelle j'ai grandi. Ma respiration aussi se fit plus lente. Un peu plus loin, à la hauteur du "Bravo Pizzeria", une vieille dame dans un manteau trop grand pour elle et trop chaud pour le temps s'était arrêtée presque sous l'enseigne lumineuse éteinte à cette heure malgré la grisaille du jour. Elle portait aussi un bonnet de laine d'un vert encore foncé quoique délavé dont la couleur défraîchie rejoignait presque celle du manteau long qu'on pouvait soupçonner d'avoir déjà été marine. Le lacet trop long d'un de ces bottillons, comme ceux que portent les marcheurs, était détaché et pendait tortillé sur le sol. La vieille appuyée sur sa canne fixait l'enseigne tout en haut comme pour déchiffrer un sens caché derrière "steak et fruits de mer" écrit en lettre de feu. Elle ne broncha pas quand je passai près d'elle.

À quelques pas de là les anciennes vitrines de ce qui fut "chez Lampron", tabagie, plomberie, librairie et salle de quilles tout à la fois, sont maintenant habillées de stores verticaux donnant ainsi un peu d'intimité au "Café de l'amitié". Sur les vitres, sont collées des affichettes indiquant qu'on peut trouver ici de l'aide psychologique. Rendu face au rocher en forme de grand-mère qui donna son nom à la ville à la fin du XIXe siècle, je rebroussai chemin. Malgré le vent de dos, mon pas n'avait cesse de ralentir, mes épaules de se vouter, ma tête de se faire plus lourde.

Cette ville est triste de se mourir. Et je lui ressemble. Elle n'a plus d'âme depuis longtemps. C'est de cela qu'elle se meurt. Je ne devrais pas marcher seul sur la rue principale. La prochaine fois, je marcherai avec un copain et nous parlerons technologie et rénovation domiciliaire. Il fera peut-être plus froid. Il fera peut-être soleil. Nous parlerons d'autres choses avant de nous arrêter à "La place du Café". Il y aura là le patron du café qui pitonne son ordi en attendant que le travail reprenne au printemps à son atelier de fabrication de quais de bois, la patronne qui nous accueillera de son habituel "salut les gars", le retraité de la Consol qui sirotera son capuccino sucré, un vieux tireur de joint venu prendre deux toasts et un café avant d'aller donner la dernière couche, une dame presque aveugle qui en sortant s'arrêtera longtemps devant les pâtisseries pour s'imprégner de leur image toujours plus floues avant qu'elles ne disparaissent pour de bon.

vendredi 26 février 2010

Citation 1

"L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est."
Albert Camus, L'homme révolté

mercredi 24 février 2010

L'archiprêtre, le clerc et les lais

Ce texte a d'abord été écrit pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait :

  • de reprendre l'incipit du dernier roman de Christian Oster "Chaque matin, vers dix heures, je me levais..." pour commencer votre texte.
  • d'y glisser également son titre "dans la cathédrale".
On peut lire les résultats de cet exercice sur http://www.impromptuslitteraires.fr



L'archiprêtre, le clerc et les lais.


Chaque matin, vers dix heures, je me levais pour accueillir le grand insipide, "Bonjour monsieur le directeur", qui venait par lui-même évaluer la performance d'une équipe de cancrelats dont la tâche consistait à recevoir les appels de niquedouilles appâtés par une pub télé vantant les mérites d'une racine merdique aux propriétés d'autant plus désirables qu'elles demeuraient mystérieuses. On exigeait d'eux qu'ils ferrent le nigaud à trente à l'heure: conclure la vente, noter le numéro de carte de crédit, l'adresse de livraison et flagorner le lièvre. Trente à l'heure c'était le plancher.


La salle tout en long comportait deux rangées de minuscules bureaux à cloisons. On asseyait le cancrelat sur une stalle devant un écran plat et un clavier aux touches élimées. On l'attifait d'un casque d'écoute de mauvaise qualité et vogue la galère de la petite flibuste. À les voir ainsi sur deux rangs ânonnant de conserve, on aurait cru le choeur d'une abbaye. Ils n'étaient ni moines, ni même moinillons, mais convers. Ils étaient lais, j'étais clerc. Et le directeur chaque matin, vers dix heures, faisait son entrée dans le petit temple de l'arnaque comme l'archiprêtre dans la cathédrale.


Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Mais à cette époque je ne soufflais la bougie qu'à l'aube. J'étais équipé pour veiller tard si bien que ce matin là je n'arrivai au bureau qu'après la rafle au cours de laquelle on coffra trente sans-papiers. Le grand insipide depuis son auto qu'il avait garé sur le trottoir en face de sa cathédrale avait déjà passé commande de trente lais auprès de l'agence et recruté un nouveau clerc. Je n'avais pas la vocation et le jour avançait. Ce matin-là je n'allai pas chez les putes.

mardi 23 février 2010

Créatures et créateurs

Je n'ai jamais compris ces hommes qui d'un coup de langue vous caractérisent. Point à la ligne. Je ne les ai jamais compris, dans ce sens où je n'ai jamais vraiment saisi comment ils parviennent à rendre leurs descriptions plus vraies que la réalité qu'ils décrivent. Le plus souvent ils m'ont fait chier. Quelques fois mais en secret, loin dans ma Ford intérieure, j'ai admiré leur habileté à esquisser d'un trait votre personnalité. Ou ce qui à leurs yeux en tient lieu. Leur force créatrice me fait chier de dépit. D'envie. En quelques mots ils font de vous un personnage autour duquel se bâtit un récit de par la seule force d'évocation concentrée dans l'éjaculat précoce de leur pensée réductrice. Mais quelle efficacité !

Les événements aussi ils les maîtrisent avec la même adresse. Et vlan! Vous voilà propulsé dans la réalité. Vous perdez tout caractère fictionnel de par la vérité de toutes pièces inventée de vos propos et surtout de vos actes dont le sens est donné comme une révélation. La Révélation. À les écouter vous devenez une religion dont vous êtes le prêtre et le fidèle tout à la fois. Ils en sont les dieux.

Ils vous apprennent enfin qui vous êtes, avez été, serez. Deo Gratias. Tandis qu'ils vous inventent et font de vous des témoins de votre propre existence vous comprenez que le doute ne peut exister dans cette poix noire, épaisse. Anathema sit celui qui n'embrasse pas la nouvelle religion dont vous êtes le héros.

Ne pourraient-ils pas se contenter d'inventer des histoires que je me plairais à écouter ou à lire.

dimanche 17 janvier 2010

Page blanche et sans titre

Je suis mort il y a longtemps. Depuis je m'imagine.

J'ai quatre ans. On me l'a dit. Quatre et demi pour sûr. J'ai descendu les deux sections du long escalier de bois qui depuis le logement du troisième mène à la cour arrière que nous partageons avec Ti-Noir, Ti-Bi de l'Abitibi et les autres chauffeurs de Grand-Mère Taxi. Je suis passé devant l'entrée de service du Ritz, cuisine canadienne et repas légers, puis ai longé le long mur aveugle qui va de la cour à la rue. Un taxi de retour d'une course, une grosse Dodge de l'année, une 1949 noire comme celle que nous avions prise pour aller voir « matante sœur » à Québec, m'a croisé en regagnant le cabanon au fond dans lequel s’installent les chauffeurs dans l’attente du prochain appel, Là où la cour rejoint la rue, en pleine lumière, j'ai pris le trottoir sur la droite. Suis passé devant l'entrée du Ritz. Mademoiselle Cadotte joue les étalagistes dans la vitrine de la Pharmacie Deschamps. La belle jeune femme me regarde avec douceur. Je lui rends son sourire. Il fait bon, je m'arrête. L'air est doux. Je lui tourne le dos pour observer le bonhomme Lafrenière balayer la rue, le long du trottoir. L’homme me semble très vieux. Le dos voûté, il s’appuie sur un balai qu’il tient par devers lui, se projetant ainsi vers l’avant et s’obligeant à avancer d’un pas pour ne pas tomber. Il avance par secousses en poussant les quelques détritus qui encombrent la chaussée en bordure du trottoir. Il en fait un tas qu’il ramasse avec la pelle accroché au montant d’un tombereau qui se trouve toujours à portée en raison de l’habilité et de la longue expérience de la vieille bête qui le tire. Une auto s’arrête un peu derrière, à la hauteur du Ritz. Je me tourne dans cette direction et j'entrevois, devant chez la marchande de fruits, maman et grand-maman qui reviennent de chez « matante » Olympe, la modiste, qui n'est pas vraiment ma tante mais plutôt une cousine de grand-maman.

C’est la première fois que je vois maman dans cette situation. Sans qu’elle ne me voit ni ne sache que je la vois. Et dans un autre monde que le mien. Dans une autre univers que le domestique. Qu’elle est élégante ! Quel port ! Et ce regard qui surplombe ses alentours comme un soleil vif. Qu’elle est belle avec ma grand-mère qui trottine à ses côtés. La ville semble lui appartenir. C’est une conquérante qui s’avance. Je suis conquis. Et veux moi aussi lui appartenir. Je veux qu’elle m’embrasse, me prenne dans ses bras comme elle enlace l’univers de cette rue marchande sur laquelle nous habitons. Je gonfle mes poumons de cet air soudain si bon, me projette en courant vers elle et lui tend les bras en criant « Maman ! » tant pour manifester ma joie que pour lui annoncer ma présence et aviser les rares promeneurs que cette femme qu’ils admirent est ma mère.

Elle est surprise de me voir là. Il ne m’est pas permis de me rendre seul sur le trottoir devant la maison. Je devrais être derrière, dans la cour, à jouer avec un petit camion à benne dans un « racoin » sombre et sentant l’urine sous les galeries près de la porte de service de la pharmacie. Maman est décontenancée de me voir ainsi courir vers elle. Je la sens vite se raidir sous le regard furibond de la grand-mère. Vive, elle retrouve son aplomb au moment même où je m’élance dans ses bras.

Elle m’accueille le temps de me remettre sèchement par terre. Grand-maman a son regard dur des mauvais jours. Maman replace les plis de sa robe. Regarde autour d'elle. "À la maison, tout de suite ! On ne se jette pas ainsi dans les bras de sa mère ! Tout le monde nous regarde !" me dit-elle accélérant le pas avant d'ouvrir la porte qui donne sur le sombre escalier intérieur dont les parois en petit "V" d'un brun très dense absorbent le peu de lumière qui filtre de la rue. Grand-maman passe devant. Maman me pousse entre elles deux. Nous montons. En silence. Dans la froide pénombre.


Ovide n'a pas encore vingt ans. Le voici sur "la traverse" Lotbinère-Deschambault. Il entend se rendre à Sainte-Flore. Au poste Grand-Mère. Fils d'Alphée et de Joséphine qui cultivent la vieille terre du rang St-Édouard à Sainte-Croix, il a appris du grand-père Casimir et de l'oncle Élisée à travailler le métal dans la boutique de forge de la ferme familiale. Il est doué. Apprend vite, travaille bien et "a de l'idée".

Le XIXe siècle n'en peut plus depuis longtemps. Il est dépassé. Les bonnes terres sont rares. Les jeunes rêvent -de liberté. Certains partent pour les "factories des États". D'autres pour les villes plus proches. Des villes nouvelles, filles des forêts domestiquées et des rivières harnachées. Certains quittent la terre contre leur gré, dépités de ne pouvoir vivre comme leurs pères ont vécu. D'autres, nombreux, ne disent pas quitter la terre. Ils prétendent gagner la ville. Ils partent conquérir l'industrie. Y exercer leurs talents. Y trouver gloire et fortune. À mi-chemin sur le fleuve entre Lotbinière et Deschambeault, Ovide relève sa casquette comme pour dévisager avec l'insolence de son âge l'avenir qui se morfond de l'attendre.

dimanche 29 novembre 2009

Yvonne Lord ou la bataille des Ardennes

La Bataille des Ardennes est l'appellation donnée à l'ensemble des opérations militaires qui se sont déroulées dans les Ardennes belges et le nord du Grand-Duché de Luxembourg pendant l'hiver 1944-1945. La bataille commence le 16 décembre 1944 par une attaque surprise allemande à laquelle on a donné le nom d'« Offensive von Rundstedt ». Ironie de l'histoire, le vieux Maréchal y était opposé : il estimait que l'objectif était trop ambitieux. Les Anglo-Américains l'appellent « Battle of the Bulge » (Bataille du Saillant) vu la forme de coin que la ligne de front avait prise lorsque la pénétration allemande fut arrêtée. La bataille des Ardennes se termine fin janvier 1945 après que les Allemands furent rejetés au-delà de leur ligne de départ; ce sera leur dernière offensive.
Source: Wikipedia



Le 31 juillet 1937 le docteur André Poisson, originaire de Sainte-Eulalie, épousa à Grand-Mère Yvonne Lord, fille majeure de feu Arthur Lord et de Alice Cantin de la paroisse Saint-Paul de Grand-Mère. Gustave Poisson, avocat, fut le témoin de son frère.

Le Dr André, Joseph Arthur, était né le 23 août 1906. Son père était médecin à Sainte-Eulalie. Tous les témoins ont pu signer le registre après le baptême. Sauf son grand oncle et parrain, le révérend Arthur Lesieur, curé de Saint-Alexis-des-Monts, lequel n'ayant pu se déplacer pour la cérémonie se fit remplacer par Théophile, le frère de l'enfant.

Le 2 mars 1939, Yvonne donna naissance à un fils qu'André nomma Joseph Gustave André Michel.

Marie Alice Yvonne était né le 11 février 1906. Après le baptême, ni son père, ni ses parrain et marraine n'ont pu signer le registre.

Marguerite Bertha Julien naquit le 11 octobre 1906 à Trois-Rivières, paroisse Immaculée-Conception. Elle était la fille de Georges Julien et de Marie Louise Trépanier. Tous les témoins ont signé.

Source: registres paroissiaux du Québec (Ancestry.ca)

16 décembre 1944 (bis).
Marguerite appelle Yvonne, son amie. Madeleine, sa soeur de quelques années plus jeune, est sur le point d'accoucher. Ne pas s'inquiéter, de dire Yvonne. Que Madeleine se prépare. " Dr André passera la prendre. "

Le temps est au verglas. Dr André demande à son voisin de l'aider à poser les chaînes sur les pneus de la Ford. Madeleine met son manteau de drap trop petit, vu son état. Se coiffe gauchement d'une pointe en feutrine jaune qui a déjà connu des jours meilleurs. Et s'assoit sur la grosse valise noire qui attendait depuis quelques jours déjà. Marguerite surveille à la fenêtre l'arrivée du docteur qui demeure tout près.

Dr André arrive enfin. Il prend Madeleine, la femme de Jean, un modeste employé du moulin, et la conduit vers Ste-Thérèse, l'hôpital où elle accouchera. L'hôpital où il accouchera la soeur de l'amie d'Yvonne. Maman l'appelle "Yvonne Lord". "Yvonne" pour suggérer la familiarité, "Lord" pour rappeler, souligner, marquer sans équivoque aucune les origines modestes de désormais Yvonne Poisson, madame Docteur. La grand-mère, la tante, le père et la soeur aînée de l'enfant restent à la maison. Ils attendront le téléphone d'Yvonne à Marguerite qui ne viendra qu'au retour de Dr André quelques heures plus tard.

Après les Fêtes, Louise, la grande soeur du bébé -elle a six ans déjà- fera sa valise et deviendra pensionnaire au couvent, à moins de deux rues de là. La solution s'est imposée d'elle-même. Sinon on aurait dû déménager de ce quartier bourgeois pour retourner vivre en quartier ouvrier. Marguerite, la célibataire, est maîtresse de poste intérimaire à Grand'Mère (guerre oblige) et contribue aux frais du ménage. La grand-mère a durement élevé ses filles. Seule. Maintenant elle règne.

À Louise qui lui demande pourquoi sa maman est partie. Elle répond que c'est ce qui arrive aux enfants quand ils sont méchants. Ailleurs la bataille des Ardennes vient de commencer.

samedi 28 novembre 2009

Sais pas trop

Je me suis longtemps cru de Hérouxville et du Plateau. Sais-tu, les gars, que je sais pas vraiment quand je vous ai lâché ou si même... ou si je vous ai réellement lâché. Dans le fond là, est-ce que j'ai déjà été là. Vraiment été. Vraiment là. Sais pas. Ici là. Pas ailleurs. Là. Avec vous autres. Pas sûr. C'est quoi cette distance? Pas vraiment entre vous et moi. Mais entre moi et le monde. Et la vie. Comme un écart. Vous savez, mes amis... mais avez-vous déjà été mes amis. Ou le fus-je ? Quelle est cette langueur entre le cours et la rive, l'air qui coule et la terre qui roule. Ai-je déjà été de Hérouxville ni du Plateau ? Di-de-li, di-de-lou, lon-lère, lon-la.

samedi 21 novembre 2009

Sondeurs de rêves

Sondeurs de rêves
Prospecteurs d'horizons

Explorateurs de la rime
Découvreurs de l'assonance

Pelleteux du rythme
Sourciers du respire

Charrieux de mouvance
Gosseux d'harmonies

Troubadeurs et saltimbanques
Vous qui jouez sous les chapiteaux
Vous qui quêtez dans le métro
Vous qui dites tout
Tout haut

Sans vous ne serions
Que pleutres serviles
L'autre crime
Étant que de se taire

Hier encore compagnons de mes aubes
Vous voici frères de mes crépuscules

Chantres des petits matins gris
Célébrants des grands soirs roses
Vous éclairez mes jours
Vous colorez mes nuits

Je vous entends me dire
Au clair de la lune
Dors chez la voisine
Je crois que j'y suis

Confrérie des ébahis
Bailleurs d'espoir
Pushers de vie

Ce soir encore
Vous lancez vos chansons
Comme un pavé dans la mort
Me donnez coup de coeur
Comme on donne coup de main

Merci grand-père
Salut petit-Pierre, grand-Pierre, Claude et Jean-Guy.
Qu'il est loin le bonheur des pierres.


Pour saluer les artisans de "La boîte à chansons"

dimanche 23 août 2009

Pas le temps

"Désolé. Je n'ai pas trouvé le temps."

Justification universelle dans un monde où l'on sait fractionner la nano-seconde.

mercredi 22 octobre 2008

Ataka Taboye

Quant à Hannibal, c'est Hannibal Ataka Taboye qu'il s'appelait. On l'appelait Taka Taboye. Takatab, pour certains.

mardi 22 avril 2008

L'aube tarde

Pourquoi m'a-t-on tué
Avant que je ne meure

Pourquoi les soirs avant les matins
Les fleurs avant les fruits

L'aube tarde
Encore

dimanche 30 mars 2008

La mer

Qui de vous m'a dit hier
que la route était si belle
que la mer était si bleue

Qui me dira pourquoi
la route est si longue
et la mer est si loin

vendredi 21 mars 2008

Salut, les gars !

21 mars 2008
EN MARGE DE LA FERMETURE DE LA BELGO À SHAWINIGAN

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Salut, les gars !

Que dire ? Sinon que cette fois c'est la fin. Partie la Belgo. Pour de vrai. Ne subsisteront bientôt que des traces. Celles des bâtiments, bien sûr, des équipements de fonte et d'acier, des huiles dont on lubrifiait les machines. Mais les traces ne sont pas une véritable présence. Ce ne sont qu'évocations d'une présence ancienne. Les traces sont des musées, ces lieux où l'homme moderne célèbre le culte des ancêtres. Le pays mauricien est couvert des empreintes de la belle en allée. Sa trace est partout sur la terre et les eaux de l'autour immédiat et de ses environs: arbres verts déchiquetés, eaux vives et limpides contenues et brouillées, ciels clairs assombris.

Et surtout des hommes séduits, puis courbés et broyés par la machine. Écrasés, lisses et minces comme une feuille papier. Aplatis. Ce sont eux la pâte dont on fait le papier. Ce sont eux l'huile avec laquelle on lubrifie les machines. Ce sont eux le fer et l'acier dont on fabrique les bêtes à manger le bois et à cracher le papier.

Le XXe siècle commençait à peine sa carrière de conquérant. Ovide n'a pas encore vingt ans. Le voici sur "la traverse" Lotbinère-Deschambault. Il entend se rendre à Sainte-Flore. Au poste Grand-Mère. Fils d'Alphée et de Joséphine qui cultivaient la vieille terre du rang St-Édouard à Sainte-Croix, il avait appris du grand-père Casimir et de l'oncle Élisée à travailler le métal dans la boutique de forge de la ferme familiale. Il était doué. Il apprenait vite, travaillait bien et "avait de l'idée".

Le XIXe siècle n'en pouvait plus depuis longtemps. Il était maintenant dépassé. Les bonnes terres étaient rares et les jeunes rêvaient de liberté. Certains partent pour les "factories des États". D'autres pour les villes plus proches. Des villes nouvelles, filles des forêts domestiquées et des rivières harnachées. Certains quittent la terre contre leur gré, dépités de ne pouvoir vivre comme leurs pères ont vécu. D'autres, nombreux, ne disent pas quitter la terre. Ils prétendent gagner la ville. Ils partent conquérir l'industrie. Y exercer leurs talents. Y trouver gloire et fortune. À mi-chemin sur le fleuve entre Lotbinière et Deschambeault, Ovide relève sa casquette comme pour dévisager avec l'insolence de son âge l'avenir qui se morfond de l'attendre.

Ils sont nombreux comme lui à affluer vers Ste-Flore, dans le secteur qui deviendra bientôt Grand-Mère, pour travailler au "moulin" de la Laurentide. Il y eut plus de 2000 nouveaux arrivants entre 1896 et 1901. La plupart viennent de ce côté-ci du fleuve. De St-Stanislas à l'Est ou de St-Barnabé à l'Ouest. Les vieilles paroisses sont prodigues de jeunes hommes vigoureux. La plupart connaissent déjà quelqu'un dans la place. Un oncle, un cousin, un frère. Dans le cas d'Ovide, venu d'aussi loin que Lotbinière, l'affaire avait été arrangée par un cousin plus âgé qui en avait vanté les mérites à son "foreman". Aussitôt arrivé à Grand-Mére, il entre donc "au Moulin" comme apprenti "millwright".

Il est vite remarqué. Son zèle et son génie compensent largement pour son tempérament frondeur. Ou plutôt c'est dans le zéle et l'invention qu'il exprime son tempérament autrement frondeur. Il progresse vite dans le métier surtout qu'il décide très tôt d'apprendre la langue des maîtres dans l'espoir évident de s'en affranchir. Il suit ainsi quelques cours d'anglais et surtout marie une belle Irlandaise venue de Québec, fille de John Patrick et de Sara Ann. Nous sommes en 1908.

Fort de sa compétence technique et de sa progression dans l'apprentissage de l'anglais, il devient vite le bras droit du "boss de la machine shop". Le département est débordé par les tâches de réparation, d'entretien et de maintenance des équipements, mais Ovide ne peut se contenter de maintenir les choses en état. Il se lasse de réparer. Il se lasse même de trouver des manières plus efficaces pour réparer et entretenir l'équipement. Il projette de nouvelles façons de produire. Il invente de nouveaux équipements comme cette "machine à confectionner les paillassons métalliques pour le pressage de la pulpe" qu'il fait breveter en 1922 (voir http://patents.ic.gc.ca/cipo/cpd/en/patent/221798/summary.html ).

Il est alors dans la force de l'âge et se donne corps et âme à ses projets, délaissant d'autant Mary-Jane et les enfants à qui il promet pour leur peine un brillant avenir. Mais la fébrilité de créer est telle qu'il ne peut voir à quel point il est absent aux siens. Il ne sait non plus ni ne pressent qu'il le sera bientôt encore plus. Avec l'aide de quelques collaborateurs il parvient à intéresser la "Canadian Vickers" à ses inventions de telle sorte qu'il peut enfin expérimenter à l'échelle industrielle sa "machine à fabriquer des filets mécaniques pour machines à pulpe" à l'usine J. Ford à Portneuf. Durant le seul été 1923, il fait trente-deux fois le voyage entre Grand-Mère et Portneuf tout en continuant à travailler au moulin de Grand-Mère. Tout baigne dans l'huile. Ovide connaîtra bientôt la gloire et la fortune. Il est venu ici pour ça. À la mi-septembre, l'expérience est concluante. Le procédé est viable. Il ne manque qu'un peu de fignolage. Mais Ovide a tout donné. Il revient d'un voyage à Portneuf atteint d'une pneumonie foudroyante qui l'emporte en quelques semaines.

C'était en novembre 1923. Son fils aîné a à peine treize ans. Jusqu'alors vif et enjoué, il devient taciturne et solitaire s'enfermant de longues heures dans sa chambre. Il ne pleure pas la mort de ce père qu'il a si peu connu. Quelques mois plus tard, en 1924, c'est dans l'indifférence qu'il apprend par La Presse que "dans quelques semaines, il sera enfin donné aux intéressés d'assister à la démonstration définitive de cette grand invention, dans les modernes usines de la Belgo Paper Company, à Shawinigan Falls. Les derniers préparatifs se font actuellement à la Canadian Vickers, à Montréal."

Entre temps, des carnassiers ont fait main basse sur les promesses de gloire et de fortune. Profitant de la faiblesse d'Ovide dans ses dernières heures, ils l'ont bercé de belles paroles parvenant ainsi à le convaincre de leur céder ses droits. Plus tard la belle Mary-Jane tente en vain quelque recours, mais elle est ruinée. On peut acheter à vil prix sa renonciation. L'avenir tantôt plein de promesses était vite devenu sombre et bouché. Jean, le fils aîné, continue un moment ses classes à l'Académie du Sacré-Coeur dans le tumulte et le bouillonnement caractéristiques des villes industrielles en plein essor. Mais il ne peut poursuivre longtemps. Comme bien d'autres, il doit "faire sa part". Bien qu'il n'est pas particulièrement costaud, il "entre au moulin", à la Laurentide, à l'époque où les plus fluets "entraient chez les frères".

Le travail est dur. Mais papa tient de son père un esprit technique inventif et une détermination silencieuse. Il s'inscrit donc à des cours par correspondance dans l'espoir de devenir dessinateur industriel et ainsi pouvoir quitter le plancher de l'usine qui ne convient pas à sa complexion délicate. Il met longtemps à atteindre son but partageant son temps entre l'usine et le bureau de dessinateur qu'il a aménagé dans un recoin discret de la maison pour pouvoir étudier et pratiquer à son aise les exercices imposés qui lui parviennent régulièrement par la poste. C'est d'ailleurs au bureau de poste, où il va chercher son courrier, qu'il rencontre maman, Madeleine. Mais c'est une autre histoire.

Ici nous sommes en 2008. Le XXIe siècle veut vivre. Et c'est maintenant d'une autre belle qu'il s'agit. D'une belle en allée dont il ne restera bientôt que des souvenirs dans la tête des hommes, bouffée qu'elle est par ce nouveau siècle qui se languit de prendre toute la place. « La page est maintenant tournée à l'usine Belgo » titrait hier Le Nouvelliste. Ce livre dont on tourne les dernières pages, c'est bien sûr celui de la Belgo du Belge Biermans, mais c'est un peu aussi celui de la Laurentide du Montréalais Forman. C'est surtout le livre de nos frères, de nos pères et de nos grands-pères qui ont été l'âme de ces usines dont les machines à papier étaient le coeur.

Depuis l'annonce de la fermeture de la Belgo, les gros canons tonnent, tempêtent et tonitruent qu'il faut "se serrer les coudes et mettre l'épaule à la roue". Certes il y a un temps pour se retrousser les manches, mais il y en a un aussi pour pleurer. Et il faut le prendre ce temps de pleurer nos morts.

Toi mon cousin retraité de la Laurentide, as-tu encore le "punch de millwright" d'Ovide que je t'ai laissé il y a quelques années ? Toi le fils au Joachim, le brochet "narfé" qui refusa de "rentrer" après la grève de 1955, que te reste-t-il de cet homme droit qui fut l'ami de papa ? Et moi, que j'aimerais donc pouvoir ouvrir les tiroirs de ce vieux coffre vide d'outils qui avait appartenu à Ovide et qui déjà quand j'étais enfant semblait être une relique d'une autre époque dans le fond de la "dépense" où on l'avait oublié. Et vous autres, les gars de la Belgo, dans votre grand ménage avant fermeture, avez-vous rencontré des traces d'Ovide? Une plaque sur une vieille machine avec un nom et numéro de "patente" ? Une vieille casquette en lambeaux, oubliée, perdue depuis si longtemps...

Tout ça pour vous dire que même si je ne suis pas un fils de la Belgo, même si je n'ai jamais travaillé à "la Consol", même si des pans de cette histoire sont pure invention, voir fermer la Belgo c'est un peu voir mourir grand-papa, et papa, et les oncles, et leurs frères, et leurs fils. Salut les gars !

L'auteur
fils et petit-fils de travailleurs du papier

mardi 5 février 2008

Je marche droit

J'ai toujours marché droit.
On me l'a appris.

Je suis allé chez les uns et les autres.
C'était bien ainsi.

Encore aujourd'hui je marche droit.
Destination nulle part.

Lentement, sûrement.
Sans hâte, avec frénésie.

Je marche droit.
Et pourtant j'ignore encore votre nom
Et celui de l'aube et du couchant.

Inéluctable avancée diffuse
Vers l'aurore sombre
Des glaciers éteints.

dimanche 6 janvier 2008

Comment

Comment saurons-nous
que nous sommes morts
avons été
fumes
Comment
dites-moi comment savons-nous
que nous vivons

mercredi 11 octobre 2006

Des nouvelles du Nord

C'est quoi ce blog beta de blogger.

dimanche 20 août 2006

À vide

Le souffle court
Le coeur à vif
Le corps à vide

L'âme grise
L'arme à gauche
Fleur fanée

Soupirs railleurs
Souper ailleurs
Sous la rosée

mardi 30 mai 2006

L'arbre rose

Je ne verrai plus l'arbre rouge
si fin si frêle

Il y a tant d'arbres verts
si gros si forts

samedi 22 avril 2006

Bientôt...

Bientôt
Il n'y aura plus de bourgeons
Que des fleurs
Et des feuilles

Et des fruits
Et mon coeur...

Ce sera demain
Et nous serons le jour d'après

vendredi 17 mars 2006

Dernier hiver

Un soleil
triste
Coule tout doux

Un vent
frais froid
Brûle mes joues

C'est presque fin d'hiver blanc

D'un pas lourd lent
je marche
Pour la dernière fois

Tu as grise mine
ma ville
Couverte d'abrasifs

Lavis d'hiver
en allant
La vie, la vie en allée

Rares neiges
sèches sales
Sans âmes

Marie-Anne
La belle, ma belle
pleure, pleure
Coin Garnier

Et je m'en vais
me dire, me dire
Que je m'en vais

C'est la dernière fois
que je marche
Pour la première fois

Rituel d'écriture

Marcher
Marcher à fendre l'âme

Laisser les mots
Couler par la brèche

Recueillir la sève
Faire le feu
Laisser réduire
Jusqu'à consistance désirée

lundi 13 février 2006

Je ne suis pas libre d'écrire : vous me lisez


Un arbre
Très vieux
Très gros
Tordu
Vrillé

Monte péniblement vers le ciel
Avant de mourir

Des patineurs
Très beaux
Très jeunes
Glissent
Tournent
Vont et viennent en boucle

Sur l'étang
Gelé

Un lecteur
Ni vieux ni jeune
Ni beau ni laid
Une femme sûrement

Rent a car in Lebanon

Gebal-Byblos
Terminus
Tout le monde descend

Pour un café
Infâme
Au Dunkin Donuts
Café des Infidèles
Jbeil

Je ne suis pas libre de vous écrire : vous me lisez

dimanche 5 février 2006

Une note bleue

Je t'implore
Je t'explore
Et je plore
Au vent mauvais

Je m'exporte
Tu m'importes
Je te porte
Et m'emporte

Je te prie
Je te plie
Je te prends
Deça delà

Pareil à la feuille morte
Tout doucement sans faire de nuit
Je suis venu te dire
Les jours anciens
Et je pleure

Te dire
Et je pars


Sur le thème du "trombone fatigué"
proposé par Coïtus Impromptus V2, février 2006

jeudi 2 février 2006

Souvenirs de Volovostock II

Peut-être eut-il mieux valu que la grande Chicoine aux yeux verts, figure emblématique de la relaxation luxuriante et de la sexualité horticoliforme qui fit se morfondre en pâmoison des légions d'adolescents alors que le gros Bordeleau aux jambes arquées faisait se tordre les adolescentes de plaisir à sa seule vue, peut-être eut-il mieux valu qu'elle se penchât sur le sort des crapauds envahisseurs dont l'espèce importée de Barbarie Mineure au hasard des circonvolutions du Grand Tornon Express de la Volodistan Railway menaçait la survie des mouches à miel dont les nébuleuses stridentes multipliaient jusqu'à quelques fois par dix le nombre d'alternances du jour et de la nuit dans les montagnes de la Grande Botanesque au lieu comme elle l'a fait de se morfondre en vaines récriminations sur la distribution des fonds alloués par l'État pluri-central à l'insémination cyberpéridermique des femmes porteuses dont les facultés reproductrices étaient mystérieusement tombées sous la barre du zéro Gardian au lendemain de la fin du commencement de l'interminable altercation entre les Korasses d'Euthanasie de l'Est et les Pilasses de Souverénie, chamaille épique dont les retombées ont accéléré le déclin de l'Empire. Mais si tel avait été le cas nous n'en aurions jamais rien su tant le murmure de nos souvenirs aurait été couvert par le libre cours des stridences nébuleuses de telle sorte que moi, Alexandre Samuelson, je ne pourrais pas aujourd'hui ni demain vous narrer d'aussi élégante façon ce qui ne survint pas. Point, foi d'Eugène Proteau.

mercredi 1 février 2006

Souvenirs de Volovostock I

C'était un matin de juin. L'année importe peu puisqu'il n'est rien arrivé. Je n'avais pas dormi depuis une dizaine de mois. Ou peut-être moins. C'est ce qui ressort du téléversement scripturaire de la mémoire flageolante d'Eugène Proteau, le protozoaire protoplasmique. C'est ainsi que vous m'appelez. Du moins il me semble.

Vous, vous n'aviez pas encore vos lunettes noires. Celles sous lesquelles vous disparaissez sans que rien n'y paraisse. Vous étiez donc là. Alors que maintenant...

En ce temps le temps s'écoulait en spirale tandis que le grand Réal agglutiné autour d'un bol gluant de café sirupeux ruminait des orages à venir. Ce n'était donc pas un acouphène ce grondement lointain. Mais peut-être n'avez-vous rien entendu à cause du bruit assourdissant d'une nébuleuse de mouches à miel en errance.

Le chèvre chaud puait. Un mauvais chèvre. Et pourtant il n'est rien arrivé. C'est précisément pour cette raison que je m'en souviens. Autrement j'aurais tout oublié. Comme ce matin de juin. L'année importe peu.

À cette époque de grande déconfiture des hordes de crapauds guerriers parcouraient les vallées à la recherche des derniers claustrés, rares survivants du gel vert qui s'était répandu sur les contrées boréales à la faveur d'une élection fumeuse qui, c'est ce qu'on prétend, fut la dernière. Depuis, il n'est plus rien arrivé. Sinon j'aurais oublié. Comme ce matin, au déjeuner, alors que j'étais seul avec Eugène Proteau. Vous portiez vos lunettes noires.

Je suis Alexandre Samuelson, le dernier des facteurs d'orgue à tétons du Volodistan à pratiquer son art à Volovostock aux marches de la Barbarie Mineure. Vous êtes, Alexandra MacDonald, ombre d'un souvenir éteint, jardin de fleurs séchées sur les rives du Grand Lac Ensablé.

mercredi 25 janvier 2006

À la brunante

Le vent tombe
Les fleurs se taisent
L'orage ne gronde plus

Un goût d'amandes
Flotte
Dans l'air

Ciel onctueux persillé de blanc
Sur fond bleu

Et si nous marchions
Encore un peu
M'écouteriez-vous

Et si je vous disais
Il fait ciel d'aurore
Et c'est pourtant brunante
M'entendriez-vous

mercredi 18 janvier 2006

Virgule

Aux rives immortelles
Des songes d'étés
En allés

Le coma
Nuit éternelle
Virgule flottante

Point final
Sans décimer ni décimale
Nombre entier

Irrationnel
Suspens

mardi 17 janvier 2006

Loin comme Hochelaga

Paru d'abord sur Coïtus Impromptus V2

Elle était la fille d’un notable de souche
Prospère notaire d’Hochelaga
Marie-Louise était destinée à un riche marchand des villes

C’était à la fin de l’âge du cheval
Des Chinetoques de misère ont construit une voie ferrée
Au bout de la rue

Marie-Louise aimait marcher de l'autre côté
Là où le monde est différent
C'est là qu'elle a rencontré Georges

Ils ont pris le train pour s'établir plus loin
Beaucoup plus loin
De l'autre côté de Glenada où s'arrête le train
Plus loin que Glenada

Pour alimenter les commerces des nouvelles villes
Industrieuses
Sur les bords de la Rivière-aux-tumultes

Fils d’une lignée de marchands grossistes
Georges était plusieurs
Ils eurent six enfants quatre filles

Un jour le marchand s'enferma dans une chambre
De sa maison bourgeoise
Ne marchanda plus rien
Refusa de sortir

Des hommes en blanc vinrent le chercher
On l'enferma à Saint-Michel
À l’asile

Le temps passa
Il prenait du mieux disait-on
Elle refusa son retour

Tous s’entendaient
Curés notaires et autres marguilliers
La neurasthénie quand elle frappe l’homme
Est une condition
D’exclusion
À perpète

Marie-Louise se tint droite
Emménagea dans une maison ouvrière
Sur la rue Bordeleau

Derrière il y avait un poulailler
La voisine ne connaissait ni les bananes
Ni le lin des nappes

Marie-Louise se fit couturière
Sa mère d’Hochelaga lui fit envoyer un piano
Pour l’éducation des demoiselles

Tout était pour le mieux
Une nouvelle ère/aire s’ouvrait à eux

jeudi 12 janvier 2006

Love Fitness

La version originale de ce texte a été écrite pour Coïtus Impromptus

T0
J'ai trouvé! J'ai eu une illumination en marchant ce matin. C'est pourquoi j'aime marcher. J'ai trouvé! Je change de nom. À compter d'aujourd'hui je ne m'appelle plus Rémi Michaud. Dorénavant, je serai Abdul Parish.

T1
Je m'appelle Abdul Parish. Mon nom souligne marque ma double origine. Je tiens le Parish de mon père qui fut d'abord pasteur à Dalhousie Station avant que d'être nommé ambassadeur de la Grande-Dalhousie en Perse. C'est là qu'il a connu ma mère par l'entremise entremetteuse de l'oncle Abdullah qui fit d'ailleurs la fortune de toute sa famille en vendant trois de ses nièces à des diplomates étrangers dont mon père le révérend Parish.

T2
Ce matin en marchant j'ai décidé de faire fortune. Je décide souvent de faire fortune en marchant. C'est pourquoi j'aime marcher. La fortune sourit à ceux qui marchent tôt disait l'oncle Abdullah qui fut un temps entraîneur de l'équipe olympique féminine de football de plage de Badgag. Coïncidence, mon père fut aussi un temps entraîneur à Badgag. Il avait charge d'âmes disait-il en réponse aux cris de Maure de ma mère quand il revenait épuisé de son programme d'entraînement avec les meneuses de claque du club de ringuette de al-Jadida. J'ai décidé de faire fortune en mettant à profit ce double bagage culturo-sportif qui est mon héritage le plus précieux. À compter de ce matin, je me mets à l'écriture d'un livre pratique sur l'entraînement à la baise sportive à être publié aux "Éditions Fitness".

T3
4e DE COUVERTURE
Que vous soyez un baiseur chevronné ou que vous vous livriez à la baise simplement pour le plaisir et pour être en forme, vous apprécierez les conseils d'Abdull Publish, le large éventail d'exercices et les programmes d'entraînement que cet ouvrage vous donne:
  • des conseils pour commencer un programme d'entraînement en baise sportive, du choix du ou de la partenaire à l'évaluation de votre niveau de forme actuel;
  • six zones d'entraînement contenant 56 exercices (45 d'intérieur et 11 d'extérieur) qui vous permettent de vous entraîner à votre rythme;
  • six programmes-échantillons qui vous indiquent comment organiser vos exercices en toute sécurité et avec efficacité selon un plan qui satisfasse vos besoins.

Écrit par un expert "La Baise Sportive" fait partie d'une nouvelle série qui permet à ceux qui veulent être en forme et à tous les baiseurs, quel que soit leur niveau, une approche adaptée et pratique afin de leur permettre d'établir un programme d'entraînement efficace.

Dans la même collection:
Histoire raisonnée de l'amour analogique.
Prolégomène à l'amour digital.

samedi 31 décembre 2005

Silences, blogues et turlupettes

Je crie
pour ne pas être entendu

Je tressaille
d'allégresse
Et Joyeux Noël vieux frères

Je trépigne
d'impatience
Et Bonne Année grands-mères

Je blogue
à tout vent
La grande roussse
même s'est tue
Seule badine
Nadine du non-lieu
Dits, édits et diktats


Je piaille
Le coeur sur la paille

Le silence m'effraie
Je vous parle
parle et vous parle

Seul me vient l'écho
Morose
De mes silences
Tus

On tourne
Terre ronde
On tourne en silence
Et je crie pour ne pas être entendu
Parmi les silences lus

mardi 27 décembre 2005

Souvenirs

Comme un tiroir entrouvert
Désordre familier
Traces

Clac

Le dernier solstice

La version originale de ce texte a été écrite pour Coïtus Impromptus

Ne dites pas ma belle
Que le soleil s'est arrêté
Un soir de décembre
La neige était belle
Noire

Ne dites surtout pas ma belle
Que nos jours sont comptés
Qu'il n'y a qu'un hiver
Le dernier
La dernière étreinte
Le dernier solstice

Ne dites rien ma belle
Surtout pas
Que nos jours sont comptés
Que la dernière nuit
C'était la nuit dernière
Neige noire

lundi 19 décembre 2005

Les orignaux du soir

Quel émoi
Quelle brûlure
On sonne à la porte

Les outardes passent droit
Ne font plus halte
À Saint-Barthélemy
Foncent sur Kuujjuaq

En lieu j'entends la plainte lascive
Des femmes de slush
Rires éteints
Redoux des lendemains de bordée
Ni chaud ni froid

Méchante belle tempête
Des cristaux
De feu
Pincent
Tout doux

Vous avez bonne mine
Ce matin ma vieille
L'oeil espiègle

On sonne à la porte
Où sont les orignaux du parc Lafontaine
Où sont les mousses les lichens

Des chenilles déneigent la glace de l'étang
Des patineurs derrière

La sonnerie de la porte
S'est tue
S'est tue
À la nue
Accablante

dimanche 11 décembre 2005

Dimanche

Un ciel
voilé
À demi

La neige
bleue
Dans les champs

C'est dimanche
Décembre en gris
Fadeurs d'hiver

vendredi 2 décembre 2005

Nuit d'hiver

L'aurore tarde à venir
J'entends un éclat blanc
Sec
Des grincements
Assourdis

La neige sèche dans les champs
Se déchire
Tonne

La chair des bouleaux
Là-bas derrière la maison
Se tord comme une souffrance

Il n'y a bête qui vive
À cette heure encore
Et pourtant c'est le matin

Des fumées montent dans le ciel
Des prières pour qu'enfin vienne l'aurore
D'une gaze rose
Panser la morne nuit d'éternel hiver

lundi 28 novembre 2005

Où sont...

Où sont les fruits, les fleurs et les feuilles
Où sont les poètes et les joueurs de luth

Il pleut froid sur Montréal
Le verglas couvre tout
Brillance fugace
Éphémère linceul
Tout s'arrête un seul jour

Ploient les branches
Sans fruits, fleurs ni feuilles
Meurent les poètes
Sans un cri, ni pleurs

Personne pour célébrer le deuil
Le deuil

Des vieillards encore jeunes
L'âme déjà pétrifiée
Pissent sur les incandescentes
Naissances

Plus rien ne vaut
Ils pleurent de n'avoir que des souvenirs
Froids

Bandes de vieux crisses de chiâleux
Vieilles slush sans corps et sans coeurs
Des lendemains de verglas
Regardez comme la neige est belle qui vient
Qui vient

dimanche 20 novembre 2005

Conjugaisons

C'est à l'assertif présent
Que je suis
Je crois tu crois nous croyons
Pour être

C'est au dubitatif de tous les temps
Que je vis
Je chante je ris je pleure je crie
Pour vivre

C'est à l'imparfait du disjonctif
Que j'aime
Pour ne pas mourir
Tout à fait

Votre cul tel un iris d'eau
Se balance au dessus du temps
Et mourir se conjugue
Souverain
Au présent du poétif

Le dernier métro

Je ne prendrai pas le métro
Je n'ai pas de correspondance
J'ai oublié
Ni mes lettres de créances

D'où je viens il n'y a pas de gens heureux
J'ai oublié
Où je vais je ne sais la couleur des feux
Ou est-ce le ciel qui se mire dans mes yeux
Rouge

Est-ce que jeudi matin te convient, vieux frère?
Si tu savais tout ce qu'il nous reste à faire
Depuis hier
Jusqu'à demain

Surtout ne rien dire
Ne pas croire pour ne pas pleurer
Rire

Le métro partira sans moi
Je marcherai droit
Jusque là
Si je frisonne
C'est qu'il y fait froid

Surtout ne croire personne
Ni dieu ni Diable
Bien au delà
Charivari et grand aria
Nous partirons ensemble pour Ouarzazata

Vous avez marché jusqu'ici! me direz-vous
Avez-vous vos lettres de créances? me demanderez vous

samedi 19 novembre 2005

Si nous n'étions que...

Des coccinelles
bleues
Des salades
vertes
Des macaques
casaques

À la dérive
au large de Causapscal

Codicilles
au désordre du monde
Souvenirs
anachroniques du futur antérieur
Vire-capots
de la survenance

Banc de krill
à l'ouest de l'Antarctique

Festin de la grande baleine

L'église Saint-Stanislas

Trois chaises à la main
Il sortait du grand bazar
Maladroit

N'apportez pas vos chaises en paradis
Lui avait dit la vieille femme
Les places sont réservées

Chacun son bac vert
Avait répondu l'autre
L'homme aux cheveux bleus

Qu'ils reposent en paix
Avait marmonné le curé
Désoeuvré

La table aussi
Était bancale

L'odeur des mots

Je suis un pèlerin
de l'imaginaire
Un itinérant
de la lettre morte

Je me recueille
dans les livres d'images
Je me cueille
comme feuille morte

Je marche
sur le flanc d'un volcan
Je ne veux pas naître

Je randonne
Je m'abandonne
Je déraisonne

Je me cramponne
Aux glaces noires du silence

Je me tais
Et vous dit la grâce
de l'espace blanc

Du blanc béat
B-A ba
Thuriféraire de l'abécédaire

Je suis un recycleur
Un farfouilleur

Les mots sont des bacs verts
Pêle-mêle de pense-bêtes
Je suis un bricoleur
un recycleur

Un mot ou l'autre
De temps à autre
S'enflamme
et se consume

Brûle le sens
Comme brûle l'encens
Autour des catafalques
Où reposent les proses frigides

vendredi 18 novembre 2005

Vous êtes en retard

Vous êtes en retard
Couleur somptueuse de la beauté
Je ne vous attendais plus

Êtes-vous seule
Et vos soeurs qui vous accompagnaient
Ont-elles péri dans les affres noires

Restez je vous en prie
Ne partez pas si tôt
L'hiver est si près

Et vous effluves somptuaires de l'ambre gris
Que ne ravivez l'extase et l'enchantement
Je souffre depuis hier ou ne sais quand
Tant le temps est sombre et lent

Lumière blanche

Il y eut un été
Il y eut un automne
Ce matin
L'hiver

D'un coup sec

Froid qui me pince l'âme
Je marche doute au corps

Il n'y a pas de neige
Pas encore

Mais la lumière
La lumière
Toute blanche

jeudi 17 novembre 2005

Aujourd'hui

Depuis l'aube
C'est la chicane
Le soleil et les nuages

Le vent
Tantôt va trancher

mercredi 16 novembre 2005

L'inspiration vient en marchant

Tu me zigonnes les neurones
Tu me phagocytes les astrocytes

Puis ça fait tilt
Pas de partie gratuite

Le vent se lève
Fort
La pluie tombe
Dru

Je me réfugie
Chez Papi
Repas légers
Un expresso bien tassé

On s'est trompé
On va changer d'côté

C'est pas pour aujourd'hui

mardi 15 novembre 2005

Vos gueules, les mères de notaires

Vos gueules, les mères!
Les bonnes mères
Les mères parfaites
Les mères de notaires
Laissez-moi vivre
Laissez-moi dire
Faites-moi rire

Vous m'avez dit qui j'étais
Vous m'avez appris mon rang et mon sang
Je suis qui vous avez dit
Ma mère

Vous leur avez dit le bien et le mal
Inculqué des vérités bien faites
Ils pensent droit, ils pensent court
Mes petits qui n'en sont plus

Vous nommez leurs émois
Leurs joies leurs peines et leurs colères
Vous inventez leur âme
À vos petits si petits

Vous êtes nos mères
Responsables et mesurées
Parfaites
Nous sommes vos enfants
Fugueurs aux fougues fugaces
Gentils
Obéissants

Vos gueules, les mères
Fausses domestiques
Qui domestiquez l'enfant fauve
Au nom du père
Et du père

Lui au moins on peut le tuer
C'est répertorié
Pas vous les parfaites
Les imperfectibles
Les pas tuables

Je vous veux irresponsables
Houleuses
Et turbulentes
Berçantes tolérantes
Berceuses heureuses

Je vous rêve sans mission
Ne sachant pas qui je suis
Ne me disant pas ce que je pense
N'inventant pas mon âme

Cessez d'être mères

Laissez-nous la vie
Puisque vous la donnez
Je vous aime irréfléchies et maladroites
Et vos petits malappris mal dégrossis

Bien malgré vous ma mère
Je suis parvenu à ne pas être notaire
Quoique votre fils ma soeur soit administrateur
J'espère pour lui qu'il sache lire encore
Et vous ma fille je rêve pour votre fils
Des troubles de l'âme qui le feront naître

Jamais je ne pisserai sur vos tombes
Mères parfaites
Puisque vous êtes immortelles

vendredi 4 novembre 2005

Les derniers humains

Entre le Café Byblos et les Derniers humains
J'erre espace blanc je te cherche

J'ai longtemps fréquenté le Porté disparu
Pour les yeux d'Hélène
Le soleil du matin
Toutes lumières irradiantes

Portes closes
Paupières fermées

J'erre espace blanc je te cherche
Entre le Café Byblos et les Derniers humains

Ici Emela la patronne la mère
Règne
Lumière crue vive froide
Mère de toutes les certitudes

Là le jugement dernier n'aura pas lieu
Le patron patibulaire prononce un non-dieu
Feu catatonique
Restes humains non-identifiés

Les mustangs ne courrent plus
Sur l'écran du Château
La marquise précise
Dieu est pardon
Célébration à 10 heures

J'erre espace blanc je te cherche
Il y a si peu de la coupe aux lèvres
Entre le Café Byblos et les Derniers humains

lundi 31 octobre 2005

Je suis un peuple métèque

Je suis un peuple sans feu ni lieu
Un peuple métèque
Je suis de braises et de cendres
De glace et de lacs

Frette et blanc
Noir et grand

Mornes éclats de nos aïeux
Débats sans foi ni dieux

Nous sommes des chasseurs sédentaires
Des agriculteurs nomades
Des guerriers sans peurs
Pacifistes sans réserves

Je suis de Poitiers en Poitou
Toujours m'a raconté ma mère
Je suis de Normandie
Dit mon père en écho

Tous les deux sont morts à Belfast
Affamés, trucidés, suicidés
Tous les deux venaient de Londres
Avaient fait fortune à Édimbourg

Ils étaient commerçants et mendiants
J'étais orphelin de rang

Qui donc récoltait le maïs
Naviguait dans l'écorce?
Qui donc a couru les bois,
Négocié la fourrure?
Cultivé la terre,
Imaginé les villes?

Et coupé le bois, et vendu le bois?
Et construit les bateaux
Et vendu les bateaux?
Et fait la guerre
Et parcouru les mers?

Quelconques conquérants conquis
Dont l'ailleurs est ici
Les hivernants sont repartis
De corps ou d'esprit
Les autres habitent toujours ici
De coeur et d'esprit
Bandes d'habitants

Conquérants conquis et cocus font bon ménage
Dans ce pays qui n'existe pas
Ce pays sans patrie
Ce pays castré
Par ses mères patries

Cessez vos rêves insensés
Vous serez pendus au Pied-du-Courant
Irresponsables ingouvernables

Établis le long des voies d'eau
Habitants des villes, habitants des champs
Creuseurs de "ch'nails" et de canaux
Poseurs de tails* et de rails
Jarrets noirs et autres colons,
Des rongeux de balustre en colère,
Des Bloques, des Chintock et des Pollock
Pas encore de Kmers ni de Viets
Des suceux de nanane
Mais pas encore de mangeux de pain naan
La Barbade est loin sur les pintes de mélasse
La Grenade n'est surtout pas un fruit
Et pas encore une île
Les Syriens sont des juifs qui fréquentent la messe
Et communient sous les espèces

Sam et ses Steinberg ne sont pas un groupe rock
Et je ne rêve pas encore de tartinade Mouhara chez Adonis
Une patate sauce au Ritz,
Chez Cassar, le père, me comble d'aise

Existe-t-il ce vaillant Morini
Du régiment de Carignan?
Jean-Talon avant d'être marché
Fut-il vraiment intendant?
On dit que Deschamps était un humoriste
Et que Michel Mpambara fait salle comble
À Chicoutimi

Je roule à vélo sur le Lakeshore
Avec Abramson le bourru et Notkin l'obséquieux
Neale la rigolote et Deslauriers le polyglotte
Un peloton du dimanche sans histoire.
Vous dites, mon cher Venster?

La planète est une peau de chagrin
Ratatinée, de boue séchée,
L'or noir fume et m'enfume
L'ours polaire se noie sous les tropiques
Le fleuve est un chenal à creuser
Les journaux sont des galettes à la menace
Quand les hommes vivront d'amour

Quand les hommes vivront d'amour
C'est plein de misères plein de misère
Nous ne sommes pas morts mon frère
Nous ne sommes pas forts mon frère

Romain, cyrillique et grec, les alphabets,
Ni romain, ni cyrillique, ni grec l'alphabet
On écrit de droite à gauche
De bas en haut et inversement
Vous êtes de l'Inde ou du Pakistan
De l'Argentine ou du Salvador
Philippin! vous m'en direz tant
Les prix sont bons chez Sakaris
On se bouscule à l'Olivier
Pour la viande Halal de Monsieur Rekik
Célestine servira ce soir son poulet créole

Je suis un peuple métèque
Rien qu'un peuple d'habitants

Nous sommes vivants mon frère
Et il nous plaît de vivre ensemble
À la métèque à la Manic

Tamdidelam, tamdidelou
Tamdidelam, didelou

La coque rouillée du Majestic
Fend l'eau du chenal
Le fleuve est à refaire

Je suis un peuple d'habitants
Sans droit de cité
Je suis un peuple de métèques
Sans feu ni lieu

Une terre à inventer
Une terre à partager
D'ousse que ch'ue
D'ousse que t'é
Ousse qu'on é

Tamdidelam, tamdidelou
Tamdidelam, didelou

_________________________
* tails : dormants de chemin de fer

dimanche 30 octobre 2005

Déjà l'hiver

Je ne crois plus que la terre est ronde
Mais dites-moi au moins qu'il ne neige pas à Lisbonne

Je n'irai pas à Carcassonne, avec vous,
Ni ne verrai Agrigente, dame,
Tant l'éclat de vos yeux
A d'ores la couleur douce du repos

Cessez de vous tourmenter
Ni de pleurer, ma belle

Dormez, dormez, belle Corrine
L'hiver est si vite arrivé
Puisque déjà fleurit le dernier printemps

lundi 17 octobre 2005

1965

Ayant réalisé le procédé inverse de l'endosmose abusive de l'assertorique dans l'apodictique, le comédien s'asseoit dans la salle et se donne un spectacle;

Et c'est un monde à mourir de rire, un opéra sur un air de twist où le barbier de Séville, un nommé Garofi, devient cycliste funambule et lave les dents de l'hippopotame avec une brosse à plancher.

Le bal des voleurs de réverbères et des allumeurs de banques... Et le charmeur de serpents qui meurt dans son char, une grappe de chats à la main... C'est la vraie foire aux encres.

C'est fatal.

Plus haut que la cime des feux
Croissent les arbres morts
Coulent les eaux stagnantes !
Créons la nouvelle oasis
Élevons cette autre Manic
Forgée dans la courbe lumineuse.

dimanche 2 octobre 2005

Dimanche d'automne

C'est octobre
Le soleil paresse bas dans le ciel
Un velours à ne pas se presser

Les chalands sourient
Ont tout leur temps
Madame l'Archevêque aussi

Le boulanger n'a déjà plus de pain
Il n'est pas deux heures
C'est dimanche

Tout s'étiole
Deo gratias

mardi 27 septembre 2005

Légumes mélangés et autres florilèges

Alphonse Allais, poète en os troubles
La vie est un remake des chants du mal d'Aurore
Soleil frais d'automne botulique

lundi 26 septembre 2005

Café Byblos

Au commencement était le verbe
Que n’ai-je compris plus tôt

Les mots sont des cristaux
Les livres des glaciers
Les biblios des biblios
Madame Pouf règne sur le Café Byblos

Faire fondre la neige des mots
La glace des dicos
Découvrir le feu, le fou,
Le cri furieux du fou du feu

Votre tentative de connexion a échoué

À l’ombre des clichés
La cathédrale des mots
Expressions, associations,
Assonances, assommances
Affichage Insertion Format Outils Fenêtre

Aide disponible sous F1

Sous le soleil des faux
À l’ombre des mots
Il n’y a plus de Kilimandjaro
Le Manitoba ne répond plus
Le Mont-Gomery accouche d’une souris

Ne pas oublier de sauvegarder
Sauvegarder sans partage

Contrairement aux Tibias de la vallée de la Logan
Je n’ai jamais cru que les oiseaux avaient un sixième sens
Madame Pouf un cabinet d'essences

Au commencement était le verbe
Il y eut un soir, il y eut un matin
Et vint le correcteur grammatical

Rien du tout

Rien qu’un peu de ciel bleu
Un souffle chaud
Un peu de rien
Un point c'est tout

Quand le pwet poétise

Cantouque de vos quinze ans

Je me rêvais forêt
J'étais un chêne
J'avais seize ans

Je te voyais lac
Tu en avais quinze
Et des yeux, des yeux à fendre l'âme

À l'ombre des grands saules
Les eaux vives étaient frayères
À travers les champs comme un ruisseau
Le ciel comme le temps coulait doucement


C'était au temps des commencements
Avant le grand feu
Avant le grand dérangement
Avant d'avoir tant de fois vingt ans

Forêts rasées
Lacs envasés
Ruisseaux asséchés
Frayères gelées

Pénélope n'attend personne
Ulysse ne va nulle part
On ne monte plus aux chantiers


Et pourtant c'est un bien bel été
Que cet été, que cet été
J'entends la cigale chanter

Et dans vos yeux, vos yeux ma belle
Sous la patine du temps
L'éclat de vos quinze ans

dimanche 25 septembre 2005

Pour en finir

[ _ _ _ ]

Dimanche

S'il pleut c'est ailleurs.
Ici que des flâneurs.
C'est dimanche.

Pluie

Il pleut du gris frais. Il n'y a personne chez le marchand de glace.

Verbosité

Cette touche de fonction modifie le niveau de verbosité de l'auteur. Chaque niveau de verbosité agit d'une façon différente pendant l'écriture. Les différentes options de verbosité sont : Normale, Haute et Basse. Quant au lecteur...

Qui êtes-vous ?

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