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mercredi 1 février 2006

Souvenirs de Volovostock I

C'était un matin de juin. L'année importe peu puisqu'il n'est rien arrivé. Je n'avais pas dormi depuis une dizaine de mois. Ou peut-être moins. C'est ce qui ressort du téléversement scripturaire de la mémoire flageolante d'Eugène Proteau, le protozoaire protoplasmique. C'est ainsi que vous m'appelez. Du moins il me semble.

Vous, vous n'aviez pas encore vos lunettes noires. Celles sous lesquelles vous disparaissez sans que rien n'y paraisse. Vous étiez donc là. Alors que maintenant...

En ce temps le temps s'écoulait en spirale tandis que le grand Réal agglutiné autour d'un bol gluant de café sirupeux ruminait des orages à venir. Ce n'était donc pas un acouphène ce grondement lointain. Mais peut-être n'avez-vous rien entendu à cause du bruit assourdissant d'une nébuleuse de mouches à miel en errance.

Le chèvre chaud puait. Un mauvais chèvre. Et pourtant il n'est rien arrivé. C'est précisément pour cette raison que je m'en souviens. Autrement j'aurais tout oublié. Comme ce matin de juin. L'année importe peu.

À cette époque de grande déconfiture des hordes de crapauds guerriers parcouraient les vallées à la recherche des derniers claustrés, rares survivants du gel vert qui s'était répandu sur les contrées boréales à la faveur d'une élection fumeuse qui, c'est ce qu'on prétend, fut la dernière. Depuis, il n'est plus rien arrivé. Sinon j'aurais oublié. Comme ce matin, au déjeuner, alors que j'étais seul avec Eugène Proteau. Vous portiez vos lunettes noires.

Je suis Alexandre Samuelson, le dernier des facteurs d'orgue à tétons du Volodistan à pratiquer son art à Volovostock aux marches de la Barbarie Mineure. Vous êtes, Alexandra MacDonald, ombre d'un souvenir éteint, jardin de fleurs séchées sur les rives du Grand Lac Ensablé.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Je dispose de 1200 caractères. Le reste, c'est de la frime.