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mercredi 24 mars 2010

Le bon docteur S.

Le jour pointe. Dieu est mort il y a quelques heures, docteur Schweitzer. N'êtes-vous pas sagittaire, il me semble ?

lundi 22 mars 2010

Lumière hivernale

Sous l'éclatante lumière hivernale, des lampadaires éteints projettent leur ombre sur la neige. Le vieil homme enjambe machinalement ces fêlures grises comme il évitait enfant de marcher sur les interstices entre les dalles de l'unique trottoir de macadam de son village. Au Nord où il vit maintenant l'hiver est tout autre qu'en son pays d'enfance. Les jours y sont courts, les nuits longues. La lumière y est crue, l'obscurité vive. Y règne la droiture du froid.


Chaque croisement d'ombre le ramène un peu plus loin. D'où il vient. D'où il est. Dans le Sud où il a vécu des jours sombres et des nuits blanches sous la morne lumière hivernale des lampadaires qui difficilement perçait les fumées âcres des dépôts d'ordure le long desquels il errait le jour et dont les images le terrorisaient la nuit. Le terrorisent encore.


Un chien jappe tout près. Demain il se fera conduire de Corner Brook à Gros Morne où il pourra poursuivre son errance parmi de spectaculaires structures géologiques qui y témoignent de la tectonique des plaques.




Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait d'inclure dans son texte "sous la morne lumière hivernale des lampadaires".

lundi 15 mars 2010

La dernière voltige

Ce ciel étale dont la courbure parfaite s'alanguit

Cette claire caresse des nues qui se travestit en volutes sombres


Graves tourbillons des ombres qui montent

Lourde occlusion du ciel qui s'affaisse


S'avancent les trombes

Éclatent les foudres


Qu'enfin dans une bruine inaccessible

Se dissolve le feu en un arc éphémère


Nous mourrons de nos naissances

Comme s'allument les eaux


A las cinco de la tarde de nos jeux icariens




Une première version de ce texte a été écrite pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait "le feu en 200 mots (environ)".

lundi 8 mars 2010

Il a plu

Ce texte a d'abord été écrit pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait :
  • un choix entre "plaire" et "pleuvoir". Le texte devait nécessairement commencer par ces trois mots: "Il (ou elle) a plu..."
  • On peut lire les résultats de cet exercice sur http://www.impromptuslitteraires.fr

Il a plu des éclats de soleil. Par milliers. Puis l'obscurité imposa sa présence. Un voile blanc. Léger d'abord. Puis de plus en plus opaque. Gris ensuite. Noir enfin.

Et dans le noir, un bruit sourd. Un roulement venu de loin. Un long craquement à mi-course. Un coup sec à terme. D'une force inouïe. Le silence à la fin. Blanc.

Nous avions à peine eu le temps de gagner les abris que déjà le souffle rasait tout sur son passage.

Jamais plus je n'entendis Ella chanter "Isn't this a lovely day to be caught in the rain".

mardi 2 mars 2010

Les mères de notaire II

En novembre 2005, au Café Byblos, j'ai crié "Vos gueules, les mères de notaire". Ce cri sur les mères "cloneuses", ces inaccessibles parangons d'orgueil, est consigné ici, un peu plus bas. La même émotion, le même trouble me revient encore ces jours-ci. Peut-être parce qu'à ton tour te voilà père, mon fils.

Ce cri alors m'est venu témoin que j'étais de la relation d'une jeune mère avec son fils. Appelons-la Êve, appelons-le Justin. Il avait presque trois ans. J'étais choqué par la relation de Êve avec son fils. J'étais constamment outré de voir comment elle prétendait lire en lui, lire ses émotions, ses sentiments, ses pensées. En réalité, ce qu'elle faisait c'était non pas lire mais écrire en lui ce qu'il était sensé éprouver, sentir, penser. Elle se donnait à ses propres yeux et à ceux des autres l'image d'une mère à l'écoute de son enfant, d'une mère qui aide son enfant à se découvrir. Mais c'est elle qu'elle écoutait tout en inventant un enfant qu'elle imaginait. Tout en lui martelant la cervelle et le coeur et l'âme pour qu'il devienne ce qu'elle croyait qu'il était. Elle prétendait connaître tous les ressorts de ses actes à lui l'enfant. Dans les faits elle dictait, imposait à Justin l'interprétation de ses actes. Elle l'expropriait de lui-même. L'enfant bien sûr résistait. Fermement. Durement. Violemment. L'enfant refusait avec raison de s'en laisser tant imposer.

C'est évidemment à ma mère, à ma relation à ma mère que me renvoyait la virulence de Êve à donner le sens, la résistance de Justin à cette imposition. Maman avait d'autres façons d'imposer le sens. Mais elles étaient tout aussi violentes d'autant plus qu'elles étaient sourdes. J'imagine que Louise, ma soeur aînée, devait ressembler à Justin dans ses refus d'être définie par la volonté d'autrui. Elle n'était pas que rétive. Elle ruait. Pour ma part j'ai adopté une résistance passive, silencieuse. Laissant dire et laissant faire. Me renfermant dans une coquille protectrice. Je parlais peu. J'ai peut-être appris de mon père cette forme de résistance.

J'ai tant vu de ces mères despotes et geôlières d'âmes que j'en suis à me demander comment certaines peuvent parvenir à échapper à ce rôle, peuvent parvenir à considérer que leur enfant n'est pas qu'un prolongement d'elles-mêmes. Comment certaines parviennent-elles à vraiment accoucher, à vraiment rompre le cordon, à vraiment donner la vie à un enfant et à la lui laisser.

J'ai tant vu de ces mères que je me demande pourquoi on parle si peu du meurtre de la mère et tant du meurtre du père. Mais mon propos n'est pas là. Ma question est ailleurs. Que peut faire le père d'un enfant qui a une telle mère? Qu'aurait pu faire mon père au lieu que de se taire, qu'aurait pu faire mon copain Claude au lieu que de se taire, que fais Marc, le conjoint de Êve, pour donner à Justin une chance d'être? Que pourrais-tu faire, mon fils, si la mère de ton fils était telle? Ta mère n'était pas ainsi, que je me souvienne. Ou si elle l'était, ce n'était pas avec autant d'intensité. Je n'ai pas eu comme père à contrer cet emmurement. Comme fils, oui.

lundi 1 mars 2010

La belle de Cap-Chat

Ce texte a d'abord été écrit pour les "Impromptus littéraires", un atelier virtuel où l'on écrit "sous la contrainte". Cette semaine on y proposait :

Il y a loin de Montréal à Matane. Plus de 600 km de fleuve. Il y a loin de programmeur chez Ubisoft, dans le Mile-End montréalais, à pigiste chez Gagnon Enseignes, dans le parc industriel de Matane.

J'ai découvert la belle Doris au café Romolo, loin, très loin de sa Gaspésie. J'ai d'abord entendu son accent, sa musique de bord de mer. Et puis j'ai vu ses yeux comme un horizon lointain. Elle m'a dit qu'elle n'était que de passage à Montréal et qu'un monde séparait le Romolo de la cantine Chez Jacynthe où elle aimait traîner là-bas dans son pays d'estuaire.

C'était en mars. Nous sommes en juin. Je viens d'arriver à Matane. Je commence lundi chez Gagnon Enseignes. J'ai toujours avec moi le carton d'allumettes du Café Jacynthe, à une heure de route d'ici, où j'irai moi aussi flâner dans l'espoir d'y retrouver Doris, la belle de Cap-Chat.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Je dispose de 1200 caractères. Le reste, c'est de la frime.