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mardi 2 mars 2010

Les mères de notaire II

En novembre 2005, au Café Byblos, j'ai crié "Vos gueules, les mères de notaire". Ce cri sur les mères "cloneuses", ces inaccessibles parangons d'orgueil, est consigné ici, un peu plus bas. La même émotion, le même trouble me revient encore ces jours-ci. Peut-être parce qu'à ton tour te voilà père, mon fils.

Ce cri alors m'est venu témoin que j'étais de la relation d'une jeune mère avec son fils. Appelons-la Êve, appelons-le Justin. Il avait presque trois ans. J'étais choqué par la relation de Êve avec son fils. J'étais constamment outré de voir comment elle prétendait lire en lui, lire ses émotions, ses sentiments, ses pensées. En réalité, ce qu'elle faisait c'était non pas lire mais écrire en lui ce qu'il était sensé éprouver, sentir, penser. Elle se donnait à ses propres yeux et à ceux des autres l'image d'une mère à l'écoute de son enfant, d'une mère qui aide son enfant à se découvrir. Mais c'est elle qu'elle écoutait tout en inventant un enfant qu'elle imaginait. Tout en lui martelant la cervelle et le coeur et l'âme pour qu'il devienne ce qu'elle croyait qu'il était. Elle prétendait connaître tous les ressorts de ses actes à lui l'enfant. Dans les faits elle dictait, imposait à Justin l'interprétation de ses actes. Elle l'expropriait de lui-même. L'enfant bien sûr résistait. Fermement. Durement. Violemment. L'enfant refusait avec raison de s'en laisser tant imposer.

C'est évidemment à ma mère, à ma relation à ma mère que me renvoyait la virulence de Êve à donner le sens, la résistance de Justin à cette imposition. Maman avait d'autres façons d'imposer le sens. Mais elles étaient tout aussi violentes d'autant plus qu'elles étaient sourdes. J'imagine que Louise, ma soeur aînée, devait ressembler à Justin dans ses refus d'être définie par la volonté d'autrui. Elle n'était pas que rétive. Elle ruait. Pour ma part j'ai adopté une résistance passive, silencieuse. Laissant dire et laissant faire. Me renfermant dans une coquille protectrice. Je parlais peu. J'ai peut-être appris de mon père cette forme de résistance.

J'ai tant vu de ces mères despotes et geôlières d'âmes que j'en suis à me demander comment certaines peuvent parvenir à échapper à ce rôle, peuvent parvenir à considérer que leur enfant n'est pas qu'un prolongement d'elles-mêmes. Comment certaines parviennent-elles à vraiment accoucher, à vraiment rompre le cordon, à vraiment donner la vie à un enfant et à la lui laisser.

J'ai tant vu de ces mères que je me demande pourquoi on parle si peu du meurtre de la mère et tant du meurtre du père. Mais mon propos n'est pas là. Ma question est ailleurs. Que peut faire le père d'un enfant qui a une telle mère? Qu'aurait pu faire mon père au lieu que de se taire, qu'aurait pu faire mon copain Claude au lieu que de se taire, que fais Marc, le conjoint de Êve, pour donner à Justin une chance d'être? Que pourrais-tu faire, mon fils, si la mère de ton fils était telle? Ta mère n'était pas ainsi, que je me souvienne. Ou si elle l'était, ce n'était pas avec autant d'intensité. Je n'ai pas eu comme père à contrer cet emmurement. Comme fils, oui.

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